C’est un échafaudage qui en impose, place Jean-Moulin. Derrière les tubes d’acier et les barrières de sécurité, le Centre national Jean-Moulin s’efface. Fondé en 1967 par Jacques Chaban-Delmas, le musée est fermé au public depuis janvier 2018. Un départ d’incendie en décembre 2017, des infiltrations régulières et des problèmes de moisissures ont imposé sa fermeture par la mairie, propriétaire des lieux.
Jamais la toiture de l’ancienne Caisse d’Épargne de Bordeaux, édifiée au milieu du XIXe siècle, n’avait été reprise. Sur le frontispice demeurent gravées dans la pierre des abeilles et…
Jamais la toiture de l’ancienne Caisse d’Épargne de Bordeaux, édifiée au milieu du XIXe siècle, n’avait été reprise. Sur le frontispice demeurent gravées dans la pierre des abeilles et une ruche, symboles d’épargne et de travail sérieux.
Depuis la fin de l’été et jusqu’à l’été prochain, c’est sur le toit que s’activent les ouvriers. Maîtres-compagnons, compagnons du devoir et salariés de l’entreprise charentaise Bouchet Couvertures rénovent la couverture d’ardoise. Un an de travaux et 660 000 euros. « Dont un tiers pour échafaudage », précise Thierry Auzard, en charge de la conduite des opérations pour la Métropole.
C’est que le musée est engoncé entre la rue des Trois-Conils, très fréquentée par les piétons, les vélos et les autos, la rue Vital-Carles où circule le tramway et la très arborée place Jean-Moulin. L’échafaudage doit donc passer au-dessus de la route pour permettre l’accès à la base de vie qui a dû être agrandie en raison des contraintes liées à la crise sanitaire.
« À chacune des trois phases, l’échafaudage ne peut être monté et démonté que de nuit quand le tramway ne circule pas. L’emplacement impose des mesures de sécurité accrues », explique Thierry Auzard. La première phase s’achève, la couverture de l’aile gauche vient d’être refaite et bientôt l’échafaudage et l’immense parapluie de protection vont migrer sur l’aile droite.
« La couverture a un caractère patrimonial impressionnant », glisse Stéphane Gomot, conseiller municipal délégué au patrimoine, aux musées, à l’archéologie et à la mémoire. Si leur détail ne saute pas aux yeux depuis le sol, les rives moulurées des lucarnes, membrons, œil-de-bœuf, chatières en zinc, habillage des cheminées et autres chenaux sont des plus travaillés.
Le bâtiment n’est ni classé ni inscrit au titre des Monuments historiques, mais il est situé dans le secteur sauvegardé. Les travaux ont donc nécessité l’accord de l’architecte des Bâtiments de France.
Là-haut, à une quinzaine de mètres de hauteur, la couverture est entièrement refaite à l’identique. L’entreprise Bouchet est également celle qui intervient sur les toitures du Palais de la bourse. « Même si la toiture est plus petite ici, le travail est plus difficile car il y a beaucoup plus de pièces d’ornement », témoigne Lucas Muller, couvreur zingueur.
« Une fois tous les éléments en zinc déposés, ils sont numérotés et triés pour être reproduits à l’identique chez un zingueur d’art à Saumur (Maine-et-Loire) », détaille Erwan Le Corguillé, en charge de la maîtrise d’ouvrage et de la coordination technique à la direction des affaires culturelles de la Ville. Les ardoises viennent du nord de l’Espagne. « Il n’y a plus de producteur français. Les dernières réserves sont mises de côté pour les Monuments nationaux », poursuit Thierry Auzard.
Alors que déplacer les seaux au gré des fuites était devenu le quotidien des équipes du Centre national, la bonne nouvelle de ces travaux est venue de la charpente. Faite de sapin rouge, elle a parfaitement tenu depuis 1847. Quelques voliges ont été changées. Les combles, eux, commençaient à être contaminés par un champignon toxique qui a pu être éradiqué.