L’idée de bâtir en carton a germé dans l’esprit d’Hubert Lé, un Alsacien inventeur de l’Ipac (pour isolant porteur alvéolaire cellulosé). Pas avec n’importe quel carton, attention. Mais un matériau conçu spécialement pour le bâtiment. « On colle des feuilles de carton les unes aux autres, avec un produit à base d’amidon de maïs. On les compacte et on obtient une structure rigide, explique Alain Marboeuf, président de Bat’Ipac. C’est ainsi qu’on forme les murs et les cloisons. On travaille sur des épaisseurs de 5 à 25 cm. Il faut de 15 à 20 tonnes de cartons pour bâtir une maison ».
Ces éléments, alvéolés et donc parfaitement isolés, sont hydrofugés, protégés par une couche de polypropylène. Ils sont ensuite assemblés, en atelier, sur des cadres en bois. Les panneaux étanches, qui peuvent faire 12 m de long, sont également utilisés pour la construction ou la rénovation de toitures. Quatre jours suffisent à monter une maison sur le terrain choisi, sans employer le moindre gramme de béton.
« À ce jour, nous avons livré une centaine de constructions », poursuit Alain Marboeuf. Des maisons individuelles mais aussi des bâtiments bien plus vastes, comme un pôle tertiaire de 2000 m². Le concept commence à intéresser les collectivités et les organismes HLM. « Nous travaillons sur un projet de six maisons pour Brest Métropole Habitat », précise le président de Bat’Ipac.
Contrairement aux autres matériaux qui connaissent en ce moment de sérieuses tensions sur les approvisionnements, le carton ne manque pas, comme l’explique Jean-Michel Audivert, un des directeurs commerciaux de DS Smith, groupe d’origine anglaise qui fournit la matière première. « Le carton utilisé est en grande partie issu de notre activité recyclage. Il présente l’énorme avantage de pouvoir être recyclé sept fois. On ne manque pas de matière, loin de là ».
Effectivement, 80 % du carton d’emballage finit dans les incinérateurs pour produire de la chaleur. « Quant au coût de construction, il est similaire à celui d’une maison en parpaings, poursuit Michel Audivert. Mais l’isolation phonique et thermique est bien meilleure. Le carton hydrofugé a un bel avenir devant lui. Aujourd’hui, on travaille sur des produits de substitution au plastique, au bois et au métal ».
À ceux qui doutent de la solidité des constructions, Alain Marboeuf montre l’exemple d’une de ses réalisations à Belle-Ile. La maison a résisté à des vents de 197 km/h. Dans une autre partie de l’île, d’autres clients se sont protégés dans l’extension en carton de leur maison. Ils s’y sentaient davantage en sécurité.
Bat’Ipac est en passe de signer des contrats importants avec les plus gros groupes de construction. « Dans les mois à venir, notre activité devait être assez intense, prévoit Alain Marboeuf. Actuellement, nous avons deux ateliers de montage. Un ici, à Saint-Aignan-Grandlieu, et un autre en Alsace. Notre but n’est pas de développer de grosses structures. Nous voulons essaimer sur le territoire, au plus près des chantiers », dans une volonté de réduire l’impact environnemental de la société.
Pour créer ce maillage, Bat’Ipac se rapproche de structures d’insertion, comme les établissements et service d‘accompagnement par le travail (ESAT). « Sur notre site nantais, six personnes handicapées travaillent à la découpe et au pressage des cloisons. En sept heures, elles viennent à bout d’un semi-remorque rempli de plaques. Cette dimension sociale est au cœur de notre activité ».
